On était à la fin du moi de mars. En fait, cela faisait une semaine qu’on était passé à la saison du printemps. Alexei n’aimait pas cette saison. La météo était trop imprévisible. On pouvait avoir au petit matin un soleil radieux et finir la journée sous une pluie diluvienne et un ciel gris. En fait, c’était l’inverse qui s’était produit ce jour là. Lorsque Alexei c’était réveillé, il pleuvait. Il pouvait entendre le clapotis de l’eau qui glissait dans les gouttières et une odeur d’humidité entêtait ses narines.

Puis en début d’après-midi, la pluie c’était tarie et des rayons de soleil avaient percé les nuages. À ce moment là, Alexei était assis – ou plutôt avachis – dans un fauteuil et lisait pour la énième fois Ça de Stephen King. Quand il avait remarqué que le temps avait changé, il avait refermé son livre et avait filé dans la salle de bain pour se recoiffer. Quand il avait enfin jugé son carré de cheveux blonds impeccable, il avait chaussé une paire de lunettes de soleil qui cachaient sa cicatrice et c’était rendu dehors.

Il n’avait pas de lieu précis où se rendre, il voulait juste se promener. Il avait rapidement quitté la ville pour se retrouver sur un chemin de campagne un peu à l’écart de tout. Le ciel était encore parsemé de nuages, l’air était lourd d’eau et la végétation gouttait sur le sol. La semelle de ses Dc Martens fut vite recouverte de boue, et un bruit de succion se faisait entendre à chaque fois qu’il faisait un pas.

Plic. Ploc. Plic. Ploc. Plic. Ploc.

Plus la végétation s’intensifiait, plus la mélodie était prenante. Sans savoir où il se rendait, Alexei entra dans un sous-bois. L’odeur d’humidité tout comme le son des goûtes d’eau haussèrent considérablement. Sans y prendre garde, le blondin continuait de marcher de sa démarche féline et fixant obstinément le chemin devant lui. D’un geste habitué, il sortit de la poche arrière de son pantalon en cuir un paquet de cigarettes et un briquet. S’allumant un bâton de nicotine, il tira sa première bouffée de fumée en regardant cette fois le regard rivé au sol. La surface noire de ses chaussures était striée de gouttelettes boueuses, mais il s’en fichait.

Son regard s’arrêta sur une flaque lui renvoyant son reflet. Il arrêta sa marche et enleva ses lunettes. Fixant d’un regard dégoûter la cicatrice qui lui mangeait une partie du visage, il remit fit un pas en avant dans la flaque et l’image se brouilla aussitôt. Il rangea ses lunettes au fond de sa poche et continua de gravir le petit sentier. Le terrain se mit à descendre, et il pouvait apercevoir en contre-bas un vieux bâtiment en ruine au milieu des fougères.

Curieux, il glissa habilement le long de la pente pour se retrouver devant ce qu’il restait d’un vieux temple bouddhiste. L’endroit dégagé une sensation de mystère qui plut aussitôt à Alexei. L’entrée du temple était dallée et était protégée par divers statues usées par les temps et recouvertes de mousse. Il s’y fraya un passage sans s’empêcher de caresser du bout des doigts l’une d’entre elles dans le but d’entrer dans le temple.

À l’intérieur, la lumière du soleil filtrait difficilement entre les débris et la poussière. Du lierre grimpait le long des murs suintants et la poussière qui flottait dans l’atmosphère formait une petite pluie étoilée lorsqu’elle passait dans l’un des rares rayons de lumière de la pièce. Des débris jonchaient le sol et des fleurs audacieuses avaient poussé entre les dalles de pierres. Alexei mesurait ses pas comme si faire du bruit à l’intérieur de ce lieu était interdit. Il remarqua qu’il n’y avait que cette salle d’accessible et son besoin de découverte n’avait toujours pas été assouvi. Il s’approcha vers l’une des portes bouchées par les décombres et attrapa un rocher gros comme une pastèque. Il serra légèrement les lèvres sur sa cigarette et tira sur ses bras pour arracher le morceaux de granit. Les fins muscles de ses bras se tendirent et le caillou bascula et se brisa sur le sol. Alexei avait fait un bond sur le côté pour éviter de se faire broyer les pieds et grimaça en entendant le bruit sourd que produisit l’éclatement du rocher.

Il continua ainsi pendant plus d’une heure, jusqu’à ce qu’il soit totalement vidé de ses forces. Le soleil avait commencé à décliner et la pièce était de moins en moins éclairée. Exténué, le blondin s’étendit sur le sol et appuya son dos contre un mur en allumant sa troisième cigarette depuis qu’il était arrivé ici. Puis il se détendit et sa respiration se calma jusqu’à devenir imperceptible. Son bâton de papier n’était pas consumé à moitié lorsqu’il s’endormit.