« Chut(e), tu m'énerves ! » [LIBRE; OSEF]

Une jeune fille aux cheveux roux, presque rouges, marchait dans la neige sans aucune peine. Elle ne semblait pas faire attention à où elle allait car elle ne s'écartait pas pour laisser passer les autres. Elle se disait que c'était à eux de se pousser. La demoiselle à la crinière sauvage était vêtue d'une veste chaude bleu électrique avec une peu de fourrure sur la capuche, d'une grosse écharpe noire, d'un jean slim noir simple et de baskets grises foncées. Ses cheveux d'un rouge naturel était attaché sévèrement et des pinces de toutes les couleurs était réparties sur ses mèches rebelles. Elle enfonça sa tête au fond de son écharpe et ferma les yeux tout en continuant de marcher.

A vrai dire, elle non plus ne savait pas où elle allait.

Selva releva la tête et soupira, laissant s'échapper une fumée blanche de sa bouche. Elle avait perdue son chemin depuis au moins deux heures. Elle marchait depuis très longtemps, sans s'arrêter. Elle faisait le vide. Dans ses pensées. Quelle idée idiote l'avait poussée à quitter sa maison ? Ses parents étaient-ils en train de la chercher ? A l'idée d'avoir abandonner tout ses gens, des larmes perlèrent à ses cils. De fausses larmes. Elle avait prit l'habitude de pleurer, en pensant à des choses tristes. Pour paraitre plus normale. Mais non ! Elle n'était pas normale ! Une larme qui ne semblait pas avoir compris le but du jeu glissa timidement le long de sa joue glacée. Selva sortit une main plus vite que son ombre de la poche où elle était logée et écrasa sans pitié cette petite goutte de tristesse. Après tout, pleurait-elle vraiment pour de faux ? N'était-elle pas un peu triste ? Elle était si seule. La solitude ne lui était pas inconnue, mais celle-ci lui assombrissait le cœur. Faisait-elle si peur ? Les gens avait-ils l'impression qu'elle leur cracherait au visage s'ils osaient lui parler ? Une seconde larme salée traça un chemin humide en traversant sa joue. Cette fois-ci, Selva sortit ses deux mains en même temps et sortit sa tête de son écharpe pour la plonger dans ses mains. Triste à voir. Elle s'arrêta et s'assit brusquement sur un banc bien placé.

Brave bête.

Elle était à présent dans une ruelle quelconque, déserte. La nuit commençait à tomber peu à peu. Selva observa le ciel, espérant y trouver du réconfort. Elle finit par rebaisser la tête dans son écharpe et soupira, une nouvelle fois. Il fallait qu'elle rentre. Elle avait à peine le courage de retourner dans les dortoirs, entendre les éclats de rires... Elle se leva du banc inconfortable et tituba. Elle avait un creux dans le ventre et une envie de vomir. Elle inspira lentement et expira longuement puis se remit en marche.

Son cœur abandonné agonisait ainsi depuis quelques jours, depuis qu'elle était arrivée ici. Personne ne lui avait parler, sauf pour lui demander l'heure. Qu'elle n'avait pas. Elle voulait tous les tuer. Créer le génocide du siècle. Regarder des larmes couler de leurs yeux heureux. Et détruire tout ces sourires niais, exploser ces couples dégoutants, effacer ces bandes d'amis qui rigolaient pour un rien. Terriblement seule, comme un chien.

Elle était tellement perdue dans ses pensées qu'elle ne prit pas la peine de s'écarter et prit de plein fouet une personne. Tellement perdue qu'elle tomba à la renverse, attirant cette personne dans sa chute. Put*in d'abruti, c'est pas possible. Riait-il trop pour ne pas la voir ? Pleurait-elle trop pour la laisser passer ? Elle poussa le mystérieux obstacle sur le côté et se releva en jurant.

Selva ▬ « On ne t'a pas offert des yeux en même temps que ton permis de piéton dans ta pochette surprise ?! »

Elle avait usé du ton le plus désagréable de la planète. Elle haïssait d'avance cette personne.

Ami se baladait dans la rue. Pourquoi, elle ne savait pas. Elle voulait prendre l'air. Fûka avait bien proposer de l'accompagner, mais... Elle avait envie d'être seule. Oui, complétement seule. Besoin de réfléchir, et tout ça. Tout ce qui lui était arrivé il y a peu de temps l'avaient énormément marquée. Et puis, la pension accueillait de plus en plus de monde, et c'était le chaos total. Ce jour çi, il n'y avait pas beaucoup de monde, les nuages couvraient le ciel sombre. Une sorte d'aura de mélancolie pesait sur la ville. La louve inspira à fond. Elle avait bien envie de se transformer, et de regagner la forêt, sa deuxième maison. Mais elle ne pouvait pas. Ces pensées lui faisaient peur. N'était-elle pas dangereuse, une fois transformée ? Ne devait-elle pas plutôt se dire : "Je ne veux pas me transformer, ne pas blesser les autres" ? Et pourtant, elle avait besoin de plus de libertée. Elle se sentait de plus en plus enfermée, dans cette pension devenue trop encombré, trop connue pour elle. Mais heureusement, ses amis étaient là. Et puis, il y avait Hasegawa, aussi... Elle se demanda un instant comment se passait leur séjour à la pension pour les gens qui ne connaissaient personne, qui étaient peut-être totalement perdus, et qui pourtant passaient inaperçus... De plus, dans cette pension, les gens normaux sont très rare. La communauté de pensionnaires dôtés de pouvoirs étranges s'était agrandie. Elle marchait tête baissée, voyant vaguement passer autour d'elle les murs de pierre gris, fixant le sol dallé. La mini-cape, le pancho qu'elle avait enfilé filait dans le vent dans le même mouvement que ses cheveux, qu'elle avait laissé détachés, pour une fois. Ses ballerines glissaient littéralement sur le sol, recouvrant ses pieds agiles. Ses pas étaient préçis, leur vitesse mesuré. Plongée dans ses pensée, elle devint elle-même mélancolique, se fondant parmis les impressions, les sentiments que dégageaient les passants. Ses oreilles, qu'elle avait vaguement cachées sous son capuchon, pouvant apparaître comme des mèches rebelles de ses longs cheveux violets, étaient basses, suivant la position de sa tête. Soudainement, elle sentit une force étrange, quelque chose qui ressemblait à de la colère, mêlée à de la tristesse. Mais la force émanant de cette personne, elle ne pouvait le sentir qu'a un seul endroit : la pension. L'être pleins de pensées contradictoires n'était pas une personne normale. Or, si elle se trouvait dans cette ville, c'était forcément un pensionnaire. Et elle ne put reconnaître cette force, c'était donc un(e) inconnu(e). Curieuse, ses oreilles se relevant légérement, se tournant vers la présence, elle avança plus rapidement. Le pensionnaire se rapprochait à grand pas, avant de stationner étrangement. Ami accéléra encore, ses oreilles pointues maintenant bien visibles. Elle releva la tête au dernier moment, trop tard apparemment, puisqu'elle percuta de plein fouet un jeune fille qui l'entraîna dans sa chute. La jeune fille se releva brutalement, et avant qu'Ami puisse s'excuser comme elle l'aurait normalement fait, elle grogna :

On ne t'as pas offert des yeux en même temps que ton permis de pièton dans ta pochette surprise ?

Son ton était plus qu'hargneux. Ami sauta sur ses pieds rapidement, puis observa la fille. Sa chevelure rouge flamboyante faisait ressortir son teint pâle. Le bleu éléctrique qu'elle portait contrastait avec ses cheveux et le reste de ses vêtements. Son visage semblait pourtant fait pour sourire. La louve ne répondit pas, trop occupée à détailler la fille. Elle la fixait de ses yeux noirs profonds, avec une curiosité non cachée. Elle semblait étonnemment étrange. Son regard était puissant, mais triste et trop plein de haine pour tout ce qui l'entourait. Elle décida de rester silencieuse, ne voulant pas aggraver le cas de la jeune fille, qui semblait mal en point. Elle avait connu beaucoup de cas défaissiste, désespérés, ou trop motivé, mais une personne comme ça, non, jamais.

Selva observait ce qui semblait être une jeune fille, celle-ci se releva avant qu'elle puisse lui asséner une nouvelle remarque mesquine. La jeune magicienne la dévisagea. L'inconnue avait des cheveux violets et de grands yeux noirs. Elle se rappela quelle était sur une île de gens ayant chacun quelque chose de fantastique et se demanda que pouvait bien être cette jeune fille. Au hasard, elle aurait dit une sorcière. Ou un machin dans le genre. Une longue minute passa et Selva se rendit compte qu'elle la dévisageait, la bouche grande ouverte. Pas très poli.

Selva ▬ « .... Excuse moi, je... Ça va ? »

Elle s'arma d'une expression qui avait l'air de dire « oh je suis plus que trop désolée, je me suis trompée de personne, je t'ai prise pour un pervers fanatique de patates et de râteaux verts ». Selva lui fit ce qui lui sembla être un petit sourire de poupée. En réalité, elle avait une expression faciale qui aurait fait frissonner Jack l'Éventreur. On aurait dit qu'elle allait lui sauter dessus pour l'achever à coup de fourchettes. Son sourire avec quelque chose de malsain, qui semble reprocher l'existence de son interlocuteur. Ses yeux étaient légèrement plissés et ses sourcils était entre l'expression du dégout et de la haine. Selva avait toute d'une psychopathe. Ce qu'elle était loin d'être, bien évidemment. La tension se brisa lorsqu'elle lui tendit la main et dit :

Selva ▬ « Je m'appelle Selva, vraiment désolée de t'avoir renverser. »

N'exagérait-elle pas le fait qu'elle était vraiment confuse de cette chute ? A vrai dire, elle s'en fichait comme un castor de son trente-troisième barrage. Selva lui fit un sourire mignonnet et qui ressemblait plus ( ) à celui qu'elle avait voulu faire il y avait quelque minutes.
En fin de compte cette fille était peut-être un martien ? Avec ses cheveux violets, ses yeux noirs... Elle avait quelque chose de spécial.

La jeune fille en face d'elle la dévisageait, la bouche légérement entrouverte. Une minute passa ainsi, les deux filles s'observant mutuellement, puis elle prit la parole :

.... Excuse-moi, je... Ca va ?

Elle avait considérablement changer de ton, ce qui étonna Ami. Après tout, peut-être n'avait-elle pas vu qui l'avait renverser. Oui, c'était ce que son visage semblait vouloir dire. Puis ses lèvres se déformèrent en une sorte de ... Faux sourire ? Mais cette expression avait quelque chose d'effrayant. La lumière du soleil se faufilant entre les murs des hautes maisons projetait sur son visage des ombres étranges, inquiétantes. La fille ressemblait en fait à une petite poupée animée, comme celle que l'on voit dans les films d'horreur. Car, oui, en réalité, elle était très jolie. Mais quelque chose sur son visage.... Produisait une certaine sensation de ... Gêne. Bref, c'était étrange. Mais cette apparence disparut lorsqu'elle tendit la main à Ami, disant d'une jolie voix :

Selva, vraiment désolée de t'avoir renverser.

On aurait dit que c'était plus une formule de politesse que de véritables sentiments, mais bon, c'était déjà ça. Selva et Ami devaient vraiment former un duo bizarre : l'une aux cheveux violets, un certain air doux et sauvage à la fois sur le visage, l'autre à la chevelure rouge flamboyante, au visage de porcelaine crispé.
Selva avait maintenat adopté un petit sourire, qui lui allait beaucoup mieux, selon Ami.
Celle-ci se présenta à son tour :

C'est rien, j'regardais pas ou j'allais... Moi, c'est Ami Kasane.

Elle serra la main tendue de Selva. Ce n'était peut-être pas le début d'une amitié, mais c'était en tout cas une rencontre.
Elle se concontra maintenant sur la force qui se dégageait de la jeune fille. Qu'était-elle, alors ? En tout cas, ce n'était pas un loup-garou, sinon Ami l'aurait senti tout de suite.

Ami ▬ « C'est rien, j'regardais pas ou j'allais... Moi, c'est Ami Kasane. »

La jeune fille aux cheveux violets lui serra la main. Selva soutenait son sourire. Ami avait une jolie voix. On avait l'impression d'écouter une douce mélodie en l'écoutant. Pas une berceuse, non, ni du hard rock. Un juste milieu. Une voix qu'elle aurait été capable d'écouter pendant des heures. Même si elle faisait le résumé d'un documentaire sur la reproduction des fourmis ou encore de la triste vie des cochons en hiver. Tout ce qui était ennuyant semblait devenir intéressant sous le son de la voix d'Ami.

Elle lui lâcha la main. Elle lâcha aussi son sourire sans s'en rendre compte. Selva n'avait pas l'air froide, juste neutre. Comme elle avait prit l'habitude de le faire. Elle se sentait... Nuageuse. Cette nouvelle rencontre était spéciale. Elle le sentait. Les longs cheveux d'Ami l'aurait fait sourire, même un jour de pluie. Selva secoua la tête : elle avait la même impression que le jour où elle avait ressentit ses premiers et derniers sentiments amoureux. Mais l'éducation de Solitude était très formel : aucun sentiment. Mais... Les grands yeux noirs de cette nouvelle personne étaient captivants. Ils semblaient contenir de grands secrets.

Elle hésitait à lui poser la question qui lui brûlait les lèvres. Mais elle ne savait pas. Se posait-on cette question sans gêne ici ? N'y avait-il pas une sorte de secret ? Une loi qui prévoyait l'exécution des gens prononçant cette question ? Selva fermait fort les yeux. Elle ne savait pas. L'envie de lui poser la question fut plus rapide que sa raison.

Selva ▬ « Tu es quoi ? »

Juste après avoir poser cette question d'une traite, Selva se rendit compte de son erreur. Cette question était vaste. On pouvait être n'importe quoi. Elle hésitait une nouvelle fois à mieux formuler sa question. Pour ça, il lui aurait fallu des exemples. Elle ne savait pas le nombres de race sur cette île. Avait-ils des noms différents que ceux qu'elle connaissait ? Ami ne rigolerait pas d'elle ? Selva ne pourrait pas le supporter.

Selva ▬ « Enfin, je veux dire par là... Tu es un gnome, un elfe, une...? »

Elle avait dépasser la limite de bêtises racontables en une journée. Un gnome. Pourquoi pas une crevette, au point où on en est ? Ami était trop.... belle.... pour être un gnome. Qui plus est, le monde avait en général un point de vue assez péjoratif des gnomes : petit, puant, poilu. Tout le contraire d'Ami. Oh non. Elle allait peut-être s'imaginer que Selva la trouvait moche ?

Ami déstabilisait tellement Selva qu'elle ne savait plus quoi raconter. Elle aurait voulu partir en courant. Elle avait honte de ce qu'elle avait dit. Elle se sentait ridicule, comme si elle était le clown d'un spectacle. Une fois de plus.

Selva gardait son sourire. Un sourire étrange. Comme si c'était... Comme si la jeune fille avait pris cette habitude, de toujours montrer le même sourire. Mais son visage semblait... Vide sans aucun sourire pour l’orner, de n'importe quelle sorte qu'il soit. Ce visage était pétillant, comme ses yeux, et sa voix. L'être qui se tenait en face d'Ami l'intriguait énormément, et elle avait une brusque envie de la connaître. Ainsi, elle fronça les sourcils quand le sourire en question disparu de la figure de Selva, au moment même ou elle lui lâchait la main. Son expression était dorénavant neutre. En voyant la jeune fille éclatante devant-elle, Ami devinait, sans savoir si elle avait raison ou tort, qu'elle avait perdu une partie de sa joie dans un passé surement sombre. Comme tous les pensionnaires, d'ailleurs. Ils avaient tous, quelque part enfoui au fond d'eux, une chose secrète, et très souvent ténébreuse. Mais pourtant Selva avait quelque chose de particulier. Ce n’était pas une simple rencontre, une simple connaissance, non. C’était un peu comme avec Fûka, Aki, et ses autres amies. Elles n’étaient pas n’importe qui pour Ami.

Selva avait toujours la même expression neutre. Mais pourtant, ses yeux étonnants trahissaient une certaine… Hésitation. Ami comprit pourquoi après quelques secondes de réflexion. Evidemment, elles n’étaient pas bêtes. Les deux jeunes filles avaient déduis que, venant de la pension, l’autre devait forcément avoir quelque chose de spécial, ou posséder un pouvoir. Et les deux cherchaient à connaître quel était cette chose, ce pouvoir. D’ailleurs, Ami n’avançait pas dans son « enquête ».

Soudain, Selva ferma brutalement les yeux, comme si elle avait compris qu’ils laissaient passer une émotion qu’elle tentait peut-être de cacher. Puis tout se passa rapidement. Ses yeux bleus se rouvrirent. Ses lèvres se fendirent, et elle laissa échapper quelques mots :

Tu es quoi ?

Ami sourit. Voilà, la question était posée. Elle était certes un peu vague, mais elle l’avait très bien comprise. Son sourire s’échappa vite de ses lèvres. Qu’allait-elle répondre ? « Un monstre, et toi ? ». Ou bien encore « Un méchant loup, mais n’aie pas peur, je ne suis méchante que la nuit ! ». Elle avait deux possibilités : soit mentir à Selva. Mais elle chassa vite cette option de son esprit : elle n’en serait pas capable. Ou bien alors, elle lui disait tout. Mais… Si la jeune fille avait peur ? Ce qui serait normal, d’ailleurs. Elle s’enfuirait en courant, et puis cette rencontre magique prendrait fin.

Avant qu’Ami ait pu répondre quoi que ce soit, Selva se reprit :

Enfin, je veux dire par là… Tu es un gnome, une elfe, une…?

Ce qui eut pour effet de rendre le visage d’Ami souriant encore une petite seconde. Oui, elle aurait bien aimé être une elfe. Ou même un gnome, pourquoi pas après tout ? Mais malheureusement, non…

Elle soupira, et s’adossa contre le mur de la ruelle. L’angoisse lui nouait la gorge. Une expression de désolation se peignit sur son visage, et elle leva des yeux noirs espérant vers Selva. Car oui, une étincelle d’espoir brillait au fond d’elle. Et si Selva décidait de rester quand même ? Si elle n’avait pas peur ? Mais il y avait peu, très peu de chance pour ça. La gorge serrée, les lèvres sèches, elle commença :

Je ne suis ni un gnome, ni une elfe. Je n’ai pas de pouvoir, non plus. J’aurai mille fois préféré.

Bon. Il fallait qu’elle arrive tout de suite au principal. Son ton baissa lorsqu’elle prononça ces mots :

Je suis un loup-garou.

Sa voix mourut. Elle ne pleurait pas. Non, ce n’était pas la peine. Elle aurait juste voulu connaître cette personne mieux. Mais elle aurait peur, c’était évident… Elle détestait cet espoir, qui était toujours terré au fond d’elle, et qui s’éteignait toujours au dernier moment. Mais c’était peut-être cet espoir qui la gardait en vie.

Ne voulant pas voir les yeux écarquillés, sans doute effrayés, de Selva, Ami baissa la tête, et abaissa doucement, très doucement, sa capuche, laissant s’échapper ses oreilles de loup. Celles-ci tombèrent piteusement dès qu’elles furent libérées.

Ami se colla contre le mur en soupirant. Faute. Ce mot résonnait dans la tête de Selva. Faute, faute, faute. Elle voulait rembobiné. Au lieu d'avoir posé cette question idiote, elle aurait pu dire.... « WAHOU ! QUEL JOLI PRÉNOM ! ». Elle aurait eu l'air d'une hystérique. Tant pis. Elle avait l'air de rien, en posant cette question plus qu'idiote. Pauvre Ami. Elle avait l'air triste. Son regard transperçait la jeune fautive. Elle se sentait mal. Elles se sentaient mal.

Ami ▬ « Je ne suis ni un gnome, ni une elfe. Je n’ai pas de pouvoir, non plus. J’aurai mille fois préféré »

Bien entendu. Selva se fichait des claques intérieurement. Bien entendu ! Bien entendu que tu n'es ni un gnome ni un elfe ! A quoi ça sert de poser une question lorsque qu'on sait la réponse ? Enfin, elle ne savait pas la réponse. Elle savait juste, à peu près, ce qui n'était pas la réponse. Cela n'équivalait pas à la même chose ? Non. « Je n'ai pas de pouvoir. » Cela réduisait le nombre de races possibles. Non. Après tout, Selva non plus n'avait pas de pouvoir. Et elle était des milliards de choses à la fois. « J'aurais mille fois préféré. » ? Ami sous-entendait qu'elle n'aimait pas ce qu'elle était. Voila pourquoi elle semblait abattue. Elle était quoi alors ? Un truc qui fait peur ? Le monstre du loch ness ? Le croque mitaine ? Ami le croque-mitaine.... Non, ce n'était pas une 'race'.

Ami ▬ « Je suis un loup-garou. »

Avait-elle dit d'une toute petite voix. Un loup-garou. Un loup. Garou. Ami le loup-garou. Ami un loup ? Pas possible. On avait toujours donné une image très péjorative des loups - garou - à Selva. « Ma chérie, ne sort pas à cette heure-ci, sinon les loups vont venir te manger. », « Selva, c'est soir de pleine lune, le soir des loups-garous ! Ne laisse pas tes membres sortir de ta couette et ne respire pas trop fort ! », « Les loups-garous adorent boulotter des enfants ! ».... Ami. Non. Quelle.... Elle baissa sa capuche et fit apparaître ses oreilles. De loup. Ami avait une tête à faire pleurer le père fouettard. Selva voulait la prendre dans ses bras, se plaindre de leurs vies en crescendo avec leurs pleurs, lui dire que c'était pas grave parce qu'elle aussi elle ne s'aimait pas pour ce qu'elle était. Selva n'était rien. Elle se devait de réconforter Ami. Lui dire qu'elle était pire qu'une loup-garou : une Rien. Ah mais non ! Selva n'était pas rien. Elle était une magicienne. Mais dans ce monde de folie, même les humaines dotés d'un tour de passe passe qui fait apparaître des colombes derrière les oreilles des gens ou des pièces de leurs chapeaux.... Non, c'était le contraire. Selva était perdue.

Selva ▬ « Un loup, c'est un peu comme un chat, non ? C'est mignon, les chats. »

Selva se flagellait intérieurement. Mais bien sûr. Quelle idiote. Quelle phrase ! Bravo ! Clap clap ! Tu as obtenue un nouveau record ! Trois inepties sortie en moins d'une demi-heure ! A quand la prochaine ? Tu vas lui sortir que les pattes d'un loup sont aussi chaudes qu'un pain au chocolat tout juste cuit et que c'est pratique pour l'hiver ?